1. |
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Juste en fermant les yeux
Je revois la cuisine
Ton visage anguleux
Nos fous rires de gamines
Dans les fêtes qu'on donnait
Toujours en première ligne
Nous dansions au salon
Mais c'est dans la cuisine
que nous disparaissions
Sérieuses à dix-sept ans ?
On se collait des mines !
Pour rire, pour être en vie,
Rester dans la cuisine
Quand tout dégénérait
Que nos visages en ruine
Reflétaient nos désirs
Notre quête des abîmes
Les lendemains de fête
Nous étions moins malines
Devant nos cafés noirs
Avec nos petites mines
Riant de nos exploits
Souriant de nos crimes
Non, tu n'as pas fait ça ?
Mais si ! Dans la ...
Tout nous est arrivé
Là-bas dans la cuisine
Le meilleur comme le pire
Le rire et les épines
Prends mon collier de rire
Mais celui de gamine
Je le garde à mon cou
Je garde la cuisine
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2. |
Le Couloir
03:55
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Viens dans le couloir, tu pourras voir
Tes congénères errer comme des hères,
Goûter leur peau, sucer leurs os,
Esquiver l'aube en coupant leurs arrières.
Viens dans ce couloir, puisque des soirs
Tu gardes le goût et l'odeur comme un suc
Qui te dévore, gueule au dehors
Humant le sel de ces proies, de ces corps.
Mais, à tout prendre, mieux vaut se rendre
Et se défaire des oripeaux amers,
Gagner les rives où nos cœurs ivres
Peuvent se rejoindre, flirter avec les cimes.
Pars de ce couloir, si tu veux croire
Encore au monde dans lequel tu te meus.
Ici, tout tremble, tout est exsangue,
Brûlé au feu du désir qui harangue
Nos âmes célestes, déchues, ne reste
Que le souvenir de nos rêves innocents.
Était-ce hier ? J'étais trop fière,
Ou trop encline à céder au tourment.
Mais à tout prendre, mieux vaut se rendre.
Ô se défaire ! Ne plus être que chair.
C'est dans l'excès que je t'aimais.
Quand, de nos peaux, nous tenions le secret.
Gagner les cimes, toucher l'ultime
Ivresse, avant que nos peaux ne se dessèchent.
Que tout nous brise ou nous imprime
Le sceau du temps, usés de nos dérives.
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3. |
Le Néant Des Carrelages
03:26
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Je suis le néant des carrelages où tu tombes,
Où tu te répands, quand trop ivre tu sombres,
Je suis la faïence où se brisent tes rêves
Où tes yeux se fondent, le cœur au bord des lèvres.
Je suis les carreaux noirs et blanc qui alternent.
Petit saut, gros blanc, un deux trois, je te sème.
Je suis la rayure où ton esprit s'abîme.
Gamme de do au sol, les poussières s'alignent.
Si tu te défends, je brise mon émail
Vaincue, tu te rends, allonge-toi que je défaille.
Je suis le néant….
Je suis les carreaux de ciment qui t'aimantent
Et tu te souviens qu'un jour tu fus amante
Dans cette pièce étrange aux murs qui se tapissent
De reflets obscurs. Soudain, ils rétrécissent.
Si tu t'abandonnes à mes reflets étranges…
Vaincue tu te cognes, mais ta chevelure de Gorgone
m'étrangle lentement.
1, 2, 3, soudain ta tête explose
4, 5, 6, les carreaux prennent la pose
7, 8, 9, puis s'échappent en calice
10, 11, 12, tandis que ta tête glisse.
1, 2, 3, dès lors ta vue se brouille
4, 5, 6, en vain ta mémoire fouille
7, 8, 9, pourquoi tu es à terre ?
10, 11, 12, madone de poussière.
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4. |
Au Jardin
04:54
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Vous souvient-il de nous petites alors ?
Les photos nous montrent heureuses au dehors.
Dissimulant, en creux, une sourde absence,
Quelque brume étrange dans nos yeux immenses.
Des clichés qu’il reste, je chéris surtout
Celui pris au jardin nous trois debout.
Tu soutiens ma tête, elle regarde ailleurs.
Des années après, il étreint mon cœur.
Vous souvient-t-il de nous plus grandes après ?
Bavardages incessants, rires et hoquets
Peuplaient la maison, coloraient les murs
Tout bruissants de secrets et de murmures.
Je me souviens aussi des dimanches soirs,
Une peine insidieuse, un furieux cafard
Nous suffoquaient toutes, mais nous laissaient seules
Face à la tristesse, à la vie, au deuil.
Je repense à nous, quand les années mortes m’assaillent, quand lasse et à genoux,
Face aux souvenirs, l’inventaire vaudrait-il le coup ?
J’y ai renoncé souvent.
Oublier l’enfance, je voudrais parfois redevenir vierge de souvenirs, ne pas Évoquer sans cesse, nos souvenirs ensemble, les vacances passées, la prairie, les trembles.
Faire le deuil enfin des rires et des chants, plein champ, contrechamp
Sur d’autres histoires, de vieilles histoires.
Oublier l’enfance, je voudrais parfois redevenir vierge.
Construire une autre vie qui enfin soit mienne,
Me ressemble et me tienne, loin des histoires, des vieilles histoires.
Je suis née dans l’air palpitant d’un soir d’été.
La vie m’a touchée.
J’ai gardé, malgré tout, au fond d’un tiroir, un tiré à part de notre histoire.
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5. |
The Party (living-room)
03:41
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6. |
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Oh le vide qui me prend !
Parfois, tout tourne plus lentement,
Le temps que s’ouvrent en moi les douves de l’isolement.
Oh ! Le vide qui m’assaille
Me creuse le coeur comme une intaille.
Alors s’effondrent en moi les ombres
Des sentiments
Oh ! Il faudrait que je tombe enfin sur l’ombre qui me fait peur
Et que suçant ses racines, je la devine et qu’enfin elle meurt.
Oh ! Le vide que je sens,
C’est moi qui l’enfante en mon flanc.
Fruit de mes sombres pensées je tombe de mon séant
Oh ! Il faudrait que j’assaille enfin mes failles et mes terreurs
Et qu'en déchirant le doute, j’ouvre la route qui mène au cœur
De mes démons et névroses
Fleurs vite écloses, bouquet de peurs
Ô compagnes d’infortune ! Vous serez l’hydre de ma douleur.
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7. |
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Nous aurons des lits pleins d'odeurs légères,
Des divans profonds comme des tombeaux,
Et d'étranges fleurs sur des étagères,
Ecloses pour nous sous des cieux plus beaux.
Usant à l'envi leurs chaleurs dernières,
Nos deux coeurs seront deux vastes flambeaux,
Qui réfléchiront leurs doubles lumières
Dans nos deux esprits, ces miroirs jumeaux.
Un soir fait de rose et de bleu mystique,
Nous échangerons un éclair unique,
Comme un long sanglot, tout chargé d'adieux ;
Et plus tard un Ange, entr'ouvrant les portes,
Viendra ranimer, fidèle et joyeux,
Les miroirs ternis et les flammes mortes.
Charles Baudelaire,
Les Fleurs du mal, 1857
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Lili Brik Paris, France
Anne Lanoë (gtr, vcl)
Cyril Touzé (bass)
Didier Boiteau (gtr)
Cyril Havard (drums)
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